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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 295

paraît avoir réalisé un de ces amours absolus : on ne saurait même les imaginer chez les héros suprêmes, un Platon, un Léonard ou un Goethe, dont les cristallisations amoureuses ne peuvent vivre que comme essais, ébauches de leurs cristallisations esthétiques. Parmi les autres, les exceptions sont rares, toutes confirmeraient la règle ; passez en revue les grands artistes du xix^ siècle, dont on extrait pièce à pièce les correspondances et les confidences. Que Béatrice ait ou non existé, on ne saurait se tromper sur la nature de la cristallisation qu'elle a subie chez Dante, et toutes les femmes qu'ont idéalisées tour à tour les descendants du grand poète ont trouvé autour d'elles parfois comme une prison ou une meurtrissure la cristallisation de l'art là où elles attendaient le voile diaphane de l'autre cristallisation. Un Hvre sur l'amour, et celui de Stendhal aussi bien que la Vita Nuova, répond donc à une cristallisation esthétique, et l'effet de cette cristallisation esthétique est de donner le sentiment authentique et présent de la cristallisation amoureuse. Il y a eu des cristallisations héroïques d'amour, dans le monde cythéréen l'équivalent des Platon, des Léonard et des Goethe dans le monde apollinien; il y a eu des Stendhals d'amour analogues au Stendhal de lettres. Il serait contradictoire que nous les connussions. L'amour a sa nuit, le poids et le secret des ténèbres dont il se nourrit, et c'est la lampe de l'intelligence, la lampe sous laquelle Platon écrit le Phèdre et le Banquet, que Psyché élève sur son époux et d'où une goutte de l'huile qui éclairait l'Idée de d'Amour suffit ici à brûler, à exiler l'Amour.

��Depuis le livre de Stendhal rien n'a paru sur ce sujet de considérable qu'après la Physiologie de M. Bourget les deux Essais sur V Amour, diont M. Camille Mauclair vient de publier

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