Page:NRF 13.djvu/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

JOURNAL SANS DATES 281

��* *

��Dialogue entre Racine et le P. Bouhours : i

BouHOURS. — Il est assurément fâcheux que vous n'ayez pu remédier à cette répétition de sonorités que déjà je vous signalais lors de votre première lecture :

Vous mourûtes aux bords ou vous fûtes laissée.

Se peut-il que vous n'en soyez point gêné, vous dont on a loué parfois la...

Racine. — Mon ami, la grammaire avant l'harmonie.

Bouhours. — Est-ce à moi que vous l'enseignerez ? Mais pourtant ne pensez-vous point que vous pourriez ici les mettre d'accord ?

Racine. — Vous savez que je m'y suis vainement efforcé. Je parle du vers qui précisément vous chagrine et qui, je vous l'avoue, m'a d'abord beaucoup tourmenté.

Bouhours. — Je vous ai proposé : « Vous trouvâtes la mort » au lieu de « vous mourûtes » — ou de modifier au contraire l'hémistiche suivant. Certainement vous y fussiez arrivé si seulement vous ne vous étiez pas d'abord dit que cela n'était pas possible.

Racine. — Je ne me suis point persuadé que cela n'était pas possible ; mais, à mesure que je cherchais une modification du vers, qui épargnât aux oreilles délicates cette répétition de sonorités dont vous vous plaignez, j 'en venais à me demander s'il était bien nécessaire de tant

I. « Corneille et Racine ont subi la règle ; ce ne sont pas eux qui l'ont faite. Si, plus tard, par l'ascendant de leur génie, ils sont devenus des autorités de langue, de leur vivant, ils se corrigeaient humblement, l'un pour satisfaire Vaugelas, l'autre par respect pour le P. Bouhours, correcteur attitré du beau langage ». Brunot. Préface à ^Histoire de la Langue française (p. xv)

�� �