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NUIT A CHATEAUROUX 265

soir, par le tunnel, comme ce jour où Ton nous avait mis dans deux cours différentes, et où je regardai la tienne par un trou de la porte, je ne verrai que ton œil. On me lève. Je vais remettre cette capote que tu as fouillée, ce pan- talon avec sa jambe invisible. Ecris-moi encore puisque tu ne te lèves pas. Miss Daniels veut t' amener mon chien. Lui aussi c'est Yourf. Appelle-le par son nom, il croira t'avoir vu et te reconnaîtra. Adieu. Je pars pour la Russie dès ma guérison. Mais nous nous re verrons peut- être à mon retour, si je reviens... au printemps (quand la paix tue la guerre !)

C'est ainsi que se termina cette nuit, où, plus fortimés que tous autres amis au monde, nous n'appartenions point à la race de ceux qui usent de timbres, de tubes postaux, de récepteurs, mais à celle qui correspond par les mains d'Anna- mites dévoués, d'Américaines. Tout ce qui était de notre amitié en ce monde était assemblé autour de nous ; aucune lettre de l'un à l'autre ne circulait bassement dans des boîtes, pas de passants pour nous bousculer nous-mêmes. Nous avions, en ce qui concernait notre aiïaire Jean- Pavel, tout liquidé, tout terminé avec le monde ; et un écheveau de grandeur moyenne, un signe de l'infini à peine plus grand que celui dont se servent au tableau les polytechniciens de seconde année, eût pu nous contenir tous deux. Ce fut Yourf qui le traça ; il aboya tout autour de mon lit ; Pavel l'entendit aboyer...

Cher Pavel,

Il fait presque jour. Mon Annamite reprend dans l'escalier le dialogue qu'il a chaque matin avec le veilleur soudanais. L'Afrique dans l'hôpital cède le pas à l'Asie.

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