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258 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

vrais timbres ; l'enveloppe était rongée sur tout son contour, comme si l'on avait dû ouvrir au coupe-papier les quatre tranches pour l'avoir.

Pavel, disait la lettre, je vais ruiner en une seule fois « tous vos projets, je n'irai pas demain à l'exposition de vos « paysages ; je n'irai pas non plus après-demain voir votre « marchand de couleurs ; le mois prochain je ne vous « épouserai pas; je n'aurai pas, le jour de mon mariage, « une robe dessinée par vous ; je ne m'étendrai pas dans ce « lit dont vous a\âez fait le plan ; je ne regarderai pas « avec vous, d'un balcon, cet horizon de Florence dont vous « m'avez, un jour, tracé la ligne au crayon, ni même celui « de Rome, plus beau, que vous avez tracé à l'encre, ni cette « troisième ville non plus dont j'ai oublié le nom, la plus « belle, dessinée à la sépia. Je n'aurai pas constamment d'un « de mes objets, d'un de mes enfants, ces croquis qui, pour « moi, les redressent et les corrigent, car vous peignez « toujours debout et vous êtes plus haut que moi. Je ne « cueillerai jamais ces grosses châtaignes de Russie dont « vous m'avez dessiné les coques. Je ne verrai plus de « peintres, ni vous, ni mes amis. Je vais vivre désormais « sans être vue, j'épouse im ingénieur. Quelquefois, de « loin en loin, d'un œil fugitif , de votre œil, je regarderai « ce que je pourrai voir de moi, mes genoux, mes mains... « Pardonnez-moi. J'étais déjà fiancée et n'ai pas osé « vous le dire...

Or j'avais la même, lettre dans ma ceinture...

— Mon cher Pavel,

Avec quoi m'écris-tu ? Est-il possible qu'avec un stylo tu fasses autant de pâtés et d'éclaboussures. Tu dois être le

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