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254 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à Pavel, elle toucha mes cheveux, mon poignet, regarda ma feuille de fièvre. Pavel sut que je n'étais pas chauve, il sut combien de fois mes artères battaient par minute et, à un dixième près, ma chaleur ; elle apporta des fleurs, remua quelques meubles, installa dans la chambre je ne sais quelle ressemblance avec la chambre de Pavel. Elle découvrit le Natoire, le déroula, disparut avec lui, et au retour étendit près de moi, sur mon lit même, tout gon- flés encore d'air et s'affaissant comme arrachés à im fantôme, les habits de Pavel.

Un uniforme lamentable. Un vieux pantalon, avec une jambe coupée, avec des pièces neuves comme on en met aux panneaux dans les cibles, et l'on devinait maintenant que les Allemands visaient Pavel aux jambes. Une capote un peu plus neuve, mais délabrée aux coudes : la guerre usait les vêtements de Pavel aux mêmes places que la pension Kissling. Pavel au com- bat s'accoudait, comme à la fenêtre de Schwabing, prenait sa tête dans ses mains. Quand miss Daniels fut partie, je fouillai cet uniforme, ainsi que je le faisais parfois d'un mort, devant les lignes, la nuit, m'étendant contre lui, parallèle, caché par lui — et quand une douleur traversait mon côté droit, m'arrêtant une minute, rigide et la main soudain immobile dans une de ses poches, comme autrefois quand une balle pas- sait dans le voisinage. Il s'agissait, il s'agissait juste- ment d'identifier Pavel.

C'était peut-être Pavel. Mais rien, comme d'ailleurs jadis dans ses vestons, qui aidât à le reconnaître. Il dé- chirait ses lettres dès qu'il les avait lues, ses photographies dès qu'il les avait vues et c'est encore dans la glace qu'il

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