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NUIT A CHATEAUROUX 25 1

OU une visiteuse se taisait brusquement, tendait une main vive vers son chapeau ou son pardessus, comme si je l'avais surpris nu ; il venait de mettre en gage un secret. Dès lors, entre vous deux, se jouait une intrigue qu'il ne soupçonnait pas toujours. En toi le secret grandissait, tu savais par des phrases hostiles le défendre contre son maître, quand il avait démérité. S'il le négligeait, l'oubliait, cela allait mieux encore ; tu l'adoptais pour toi-même. J'étais irrité de te voir accepter sans choix tous ces dépôts ; de te voir parler avec complaisance à des imbé- ciles, à des inconnus, comme si tu supposais à leurs actes vulgaires une raison. En chaque indifférent, en chaque médiocre, tu respectais un secret possible, et, moi, tu semblais me juger non d'après ce visage, que toi-même disais franc, non par mon langage un peu simple, ou par ces douze aventures de ma vie qui me rapportèrent douze marks, mais par quelque qualité étrange, que tu finirais bien un jour par connaître, et qui était la clef de cette clarté, de cette simphcité... Ne t'en prends qu'à toi, alors que ma mère était Russe, si je t'ai avoué qu'elle était Persane — un jour àTegernsee où tu semblais chercher des ombres sur mon visage et où j'avais honte de ma peau blanche, — ce jour-là où la kronprinzessin voulut jouer avec nous au tennis, et où nous relancions la balle douce- ment, doucement, car elle portait un fils.

C'est ainsi que s'écoula la première veille. Déjà les blessés endormis sur leur côté droit se tournaient pénible- ment sur le gauche, sur le cœur, et commençaient la part inspirée de leur nuit. C'est ainsi que nous oubHions tous deux de nous parler de la guerre, et des seize ans passés.

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