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248 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

c'était la vanité, le vol et la luxure (feorel en un mot). Il était curieux de l'entendre discuter l'histoire avec Régina, qui ne voulait connaître des héros et des rois que leur mort, alors que lui ne les connaissait que de leur naissance à une période brumeuse où ils disparais- saient sans périr.

« Pavel était beau. La mode n'y était pour rien, ni son âge. Tous ses portraits d'enfant étaient beaux — ses portraits de vieillesse aussi, sa mère, son grand-père — et Régina ne pouvait éprouver de défiance pour une beauté qu'il portait comme on porte un grand nom. Sa prunelle surtout était si large que Régina n'avait qu'à s'asseoir à peu près en face, pour se servir avec lui, tendrement économe, d'un seul regard.

« Pavel avait des tics. Il touchait ce qu'il admirait. Si l'un de ses amis étrennait une cravate, toute la journée il le tenait par cette laisse même, l'étranglant. Dans les pinacothèques, il arrivait à toucher du doigt, en dépit des gardiens, ses tableaux préférés, d'un geste sûr, comme s'ils avaient vraiment un point sensible. Régina redoutait qu'on fît devant lui l'éloge de ses cheveux, ou de ses bottines, car il arrivait aussitôt et les touchait. Le pianiste qui jouait du Mozart avait toutes les peines à l'empêcher de taper sur la note qui lui avait plu dans la précédente phrase, et, ses mains occupées, défendait le piano des épaules ou des avant-bras.

« Pavel était généreux ; il passait les journées à main- tenir l'équihbre entre les prévenances du monde et ses réponses. Il était peu d'oiseaux qu'il n'eût suivi des yeux jusqu'à ce qu'ils disparussent, m'empêchant de parler ; peu de petits Turcs bossus rêvant sur les ponts de l'Isar

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