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NUIT A CHATEAUROUX 227

C'était r après-midi. L'auto donnait dans l'épaisse chaleur la buée que font les hommes dans le froid. C'était juillet, où l'ombre est chaude comme une couverture. Pas de vent. Autour du soleil naissait parfois, pour dis- paraître, une fumée... comme si le soleil soudain filait, comme si on rabaissait le soleil. C'était l'été, un été sans instinct, sans réflexe ; il fallait au moins des oiseaux pour remuer les feuilles, des poissons pour rider l'eau, au moins une jeime fille nue pour rider le cœur ; et il n'y eut, dans ces villages et ces forêts, qu'une nymphe de plâtre. Les bicychstes n'évitaient notre roue qu'à la seconde juste où nous étions sur eux ; le chien étendu en travers delà route, la tête vers l'accotement, se contentait de ramener sa queue, puis de fermer les yeux par peur de la poussière. Dans tant de soHtude, la voiture devait se frayer un chemin en tou- chant vraiment chaque être, comme dans une foule. Nourris de coulommiers et de brie, abreuvés de vouvray, les piétons aujourd'hui ne se garaient que contre la mort, chacun avec le geste de défense qu'a son âge, les enfants se protégeant la joue de leur bras, les femmes rougissant, et ils attendaient de l'auto une gifle, une caresse. A ma gauche, l'attaché mihtaire serbe peu à peu s'assoupissait, puis, au moment où il fermait les yeux, piquait du nez, relevait la tête en se tâtant et ne se garait du sommeil, lui, qu'après l'avoir heurté. Tout ce que j'inventais pour le dis- traire était de tendre le doigt vers les châteaux blancs dans la verdure. Alors, il regardait et disait oui. Pas un qui lui ait fait dire non, qui ait été vert dans des arbres blancs, violet dans des arbres noirs. Des ramiers volaient, mais perpen- diculairement aux routes, et plus lourds sur ces chemins volants que n'empruntent point les télégrammes... L'at-

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