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coup de théories. Ce qu'il y a de plus fort c'est qu'avec tant de théories il travaille tout de même, et beaucoup. Et il produit tout de même, et beaucoup. Et quand il travaille et quand il produit, on ne s'aperçoit pas qu'il a des théories. Il a cette théorie que ce restant de la fatigue de la veille est ce qui opère d'un jour à l'autre, d'un jour sur l'autre, la continuité de l'œuvre.

Quand il est vraiment fatigué, son appareil mental lui refuse tout service. (Comme à tout le monde, mais il a encore cet orgueil de vouloir que ce soit beaucoup plus et pour ainsi dire beaucoup plus éminemment qu'aux autres). Et son appareil d'écriture lui manque le premier, sa machine à écrire, et lui manque carrément, tout ce qu'on apprend chez Janet, sa machine à faire la graphie, ses images visuelles et appareils moteurs. Il veut y voir une rançon justement de ce que ses grands-pères ne savaient ni lire ni écrire. Sa race n'a pas encore eu le temps de s'habituer. Ni les images visuelles n'ont eu le temps de lui entrer dans la mémoire. Ni les appareils moteurs n'ont eu le temps de lui entrer dans la main. Il est le premier de sa race qui écrit. Comment s'étonner que sa race en lui ne sache pas encore écrire, ou enfin ne sache pas bien. Qu'elle ait si souvent et tant de manques dans l'écriture. Tant de défaillances. Tant de défauts. Ce sont les ratés d'une machine non assouplie, non habituée, non entraînée, et qui n'est mise en branle que depuis une ou deux générations. Mais plus affreux sera ce défaut, plus affreuse sera cette rançon, plus précieuse sans doute sera le bien dont elle sera la rançon, et ce bien sera justement d'être sorti d'une race, de tremper directement