Page:NRF 13.djvu/193

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTE SUR M. DESCARTES 185

mornes, plates et sournoises sagesses. Ce sont des patiences de ne point patienter. Car patienter c'est souffrir, et patienter tout de même. Patienter, c'est endurer. Ne pas souffrir, refuser toute matière à la souffrance, refuser à la souffrance ces points d'alignements infaillibles qu'elle prend sur nous, ce n'est pas seulement tricher, ce n'est pas seulement se dénaturer, et ce n'est pas seulement se disgracier : c'est ne pas patienter. — Est-ce que tu crois que je vais endurer ça ? disaient les bonnes femmes quand j'étais petit. Ça, c'était n'importe quoi; tout ce qui n'allait pas; tout ce qui leur déplaisait; que la voisine leur avait dit un mot de travers ; que leur progéniture, (elles en avaient), leur avait manqué de respect, (ça s'était vu). Elles étaient dans la saine tradition française et je dirai dans la saine tradition de la paroisse française.

Elles ne voulaient pas endurer. C'est qu'en bonnes Françaises elles se représentaient fort bien ce que c'est qu'endurer. Tolerare, pati, tolerare tamen.

Dans le latin, dans le grec, et jusque dans l'allemand tolérer c'est porter, supporter, élever, soutenir, soulever un fardeau de peine. Tolerare, tollere, tulisse] tuli, (t) latum; et il y a, dit Bréal, « des traces nombreuses d'un verbe *tulo. La racine correspondante en grec est zal ou tXïj, d'où rdàdç « celui qui supporte », rXvjvat « supporter », T£T>ïjjca « j'ai supporté », nol<)-r\a<; « qui supporte beau- coup ». — ... — Tolero ne vient point directement de tollo, mais d'un substantif perdu *tolus, *toleris. — Gothique thulan « supporter », d'oii l'allemand Ge-dul-d patience » (sur les consonnes germaniques, v. decem).

Tâ^atva, c'est celle qui supporte. Tâ),atva, malheu- reuse, répète inlassablement le chœur antique. En

�� �