Page:NRF 13.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

178 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tant de grâce et de désarmement, dans cette moelle et dans cette tendresse, dans tant de nouveauté, dans tant de sève et tant de sang, dans un si beau corps temporel, dans une si belle force matérielle, dans tant d'audace et aussi tant d'âme inoffensive, il fallait tout cela, il fallait l'opération de cette greffe unique pour que l'unique inquiétude judaïque devînt l'unique inquiétude chrétienne et pour que la royale sagesse et la royale tristesse du roi Salomon devînt la tragique et plus que royale détresse d'un Pascal. Il fallait tout cela, cette macération trente et quarante fois séculaire dans le creux d'une race graduellement vaccinée, ce brusque éclatement dans une race saine et jeune et qui ne s'y attendait pas.

Eh quoi, dira-t-on, tout cela pour ces deux malheureux qm descendent cette rue et qui n'ont qu'une manie, celle de philosopher. Voyez-les qui descendent, avec leurs airs entendus. Regardez-les dans cette rue de la Sorbonne où ils ne coudoient bientôt plus que des étrangers. Quoi, dites-vous, tant d'affaires pour ces malheureux honmies, philosophi philosophantes, de l'espèce la plus commune.

Oui, tout cela pour l'un , et tout cela pour l'autre. Pour le plus commun des Juifs Moïse a rapporté les tables de la loi. Et pour le chrétien de l'espèce la plus ordinaire Jésus est mort. Il n'y a que deux sortes de juifs : ceux qui sont dévorés de l'inquiétude judaïque et qui jouent tant de pauvres comédies pour le nier; (et pour se le nier à eux-mêmes) ; ceux qui sont dévorés de l'inquiétude judaïque et qui ne songent pas même à le nier. Et il n'y a que deux sortes de chrétiens : ceux qui sont dévorés de

�� �