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134 LA NOU\^LLE REVUE FRANÇAISE

prévoir a priori que la vraie littérature de guerre serait celle de la vie intérieure. Un Homme libre est évidemment une lecture mieux appropriée à la vie de tranchée que l'Union sacrée ou la Croix de Guerre, et je sais bien que dans toute ma vie militaire je n'ai fait volontiers que des lectures de cet ordre. On lit pour sortir de soi ; mais quand on mène une vie dont l'essence est de vous sortir de vous, on lit pour rentrer en soi. Il y a peut-être un peu d'intempérance et pas assez de paix véritable dans cette capitale Possession du Monde qui fourmille d'admirables pages, mais M. Duhamel dont l'œuvre et le nom vont grandir beaucoup a écrit vraiment en ce beau livre de vie intérieure une œuvre que lui imposait son temps.

Parmi ces livres de la vie intérieure, meubles d'art propres à une époque de guerre, je ne veux retenir aujourd'hui que les romans. D'ailleurs le roman seul entre dans la vie inté- rieure avec tout le recul, l'indépendance et les moyens d'ani- mation nécessaires pour la disposer sur le plan complet et vivant d'une œuvre d'art. Quelle marge n'y a-t-il pas entre la Nouvelle Héloîse et les Rêveries d'un promeneur solitaire et même les Confessions \ J'ai retenu, dans la production récente, trois œuvres caractéristiques, de premier ordre toutes trois, et dont les auteurs ont atteint un point de per- fection qui ne leur était pas habituel. (Mais à qui la perfection est-elle habituelle ?) C'est le Justicier de M. Paul Bourget, Solitudes de M. Edouard Estaunié, et Fumées dans la campagne de M. Edmond Jaloux.

Lorsque je lus \e Justicier, j'avoue que je ne l'attendais pas. Dès le début, M. Bourget comme journaliste (c'était son devoir) et comme romancier (c'était son droit) s'était mis en plein dans la littérature de guerre. Il était même, je crois, arrivé bon premier pour publier un roman sur la guerre : le Sens de la Mort, roman à thèse très artificiel selon une de ses vieilles fonnules ; il avait continué par Lazarine et Némésis,

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