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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE 5

à la pensée sa spontanéité et sa pertinence et de recons- truire la vérité. On voit en tout cas comment elle nous dévoue fatalement à lutter contre ce qui subsiste de l'exi- gence de la guerre sur les esprits.

Mais si notre natiirel même ne nous encourageait pas à cette œuvre de redressement des idées, je prétends que le plus étroit patriotisme nous en ferait un devoir. Oui, je le dis parce que je le crois, c'est la France elle-même qui appelle de tous ses vœux, qui réclame, qui nous im- pose comme premier devoir la détente de l'obligation civique dans l'ordre de la pensée. Elle ne veut plus que son prestige soit la seule raison de toutes les idées que nous formons. Elle ne le veut plus, pour sauvegarder juste- ment son prestige.

Car de quoi a-t-il toujours dépendu si ce n'est de sa faculté de penser et de créer avec désintéressement ? Par quoi la France a-t-elle été grande jusqu'ici dans le monde, si ce n'est par son inégalable, par son invraisem- blable, par sa paradoxale sincérité ?

Nous sommes le peuple le plus vrai qu'il y ait sur la terre. On peut nous trouver durs et batailleurs, on peut nous reprocher notre humeur souvent méprisante ou agressive. Mais nous restons insurpassables pour la vérité du sentiment et pour la promptitude de l'ex- pression. Les Russes peut-être ont dit des choses plus basses, plus secrètes que nous n'avons osé ; mais toujours amalgamées avec du mensonge, tout au moins avec du rêve. Notre littérature est la plus pure, la plus décantée de toute hypocrisie qu'aucune nation puisse produire.

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