4 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
pensées ; ils n'ont plus rien trouvé tout seuls ; ils ont cessé de pouvoir même regarder un objet devant eux ; non pas ce qu'il était, mais ce qu'il devait être : voilà seulement ce qu'ils ont vu.
Tous ont subi ce que Maïu-ras appelle, dans im autre plan, la « mon-archie » de la guerre. Bien plus terriblement que par l'amour, toutes leurs idées ont été tournées dans un seul sens : celui où il fallait s'avancer pour vaincre.
L'instinct de création lui-même, qui est pourtant abrité au plus épais, au plus résistant de l'esprit, a reçu je ne sais quelle obscure déviation ; toutes ses inventions pen- dant cinq ans ont été viciées dans leur germe. Qui pourrait citer une seule œuvre vraiment ingénue, une seule tige qui soit montée bien droit ?
Notre dessein est de travailler dans la mesure de nos moyens à faire cesser cette contrainte que la guerre exerce encore sur les intelligences, et dont elles ont tant de mal à se débarrasser toutes seules.
Notre tempérament tout d'abord nous y pousse. Dans l'ensemble nous ne sommes pas gens d'action ; nous ne nous entendons pas principalement à vouloir et à obtenir. Si nous sommes doués pour quelque chose, c'est bien plutôt pour penser, pour sentir avec justesse, pour créer avec sincérité. Nous avons traversé la guerre avec un minimum d'ambitions et d'illusions. Nous n'avons jamais été de ceux qui arrangeaient les événements par l'esprit.
Loin de nous la tentation de nous en vanter. Mais nous pensons qu'une telle disposition peut devenir précieuse aujourd'hui qu'il s'agit non plus de vaincre, mais de rendre
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