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qu’ils nous font, combien nous nous sommes éloignés d’elle dans les folles espérances de notre attente quotidienne. Ce n’est pas que cette réalité doive toujours rester la même, bien que cela arrive parfois. Il y a dans notre vie bien des femmes que nous n’avons jamais cherché à revoir et qui ont tout naturellement répondu à notre silence nullement voulu par un silence pareil. Seulement celles-là, comme nous ne les aimions pas, nous n’avons pas compté les années passées loin d’elles, et cet exemple qui l’infirmerait est négligé par nous quand nous raisonnons sur l’efficacité de l’isolement, comme le sont, par ceux qui croient aux pressentiments, tous les cas où les leurs ne furent pas vérifiés.

Mais enfin l’éloignement peut être efficace. Le désir, l’appétit de nous revoir, finissent par renaître dans le cœur qui actuellement nous méconnaît. Seulement il y faut du temps. Or, nos exigences en ce qui concerne le temps ne sont pas moins exorbitantes que celles réclamées par le cœur pour changer. D’abord, du temps, c’est précisément ce que nous accordons le moins aisément, car notre souffrance est cruelle et nous sommes pressés de la voir finir. Ensuite, ce temps dont l’autre cœur aura besoin pour changer, le nôtre s’en servira pour changer lui aussi de sorte que quand le but que nous nous proposions deviendra accessible, il aura cessé d’être un but pour nous. D’ailleurs, l’idée même qu’il sera accessible, qu’il n’est pas de bonheur que, lorsqu’il ne sera plus un bonheur pour nous, nous ne finissions par atteindre, cette idée comporte une part, mais une part seulement de vérité. Il nous échoit quand nous y sommes devenus indifférents. Mais précisément cette indifférence nous a rendus moins