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« Nous voulons, avant toute chose, renouveler le personnel du théâtre. Nous voulons ensuite simplifier l’instrument de la scène, pour le mettre véritablement dans la main du créateur, et que rien ne s’interpose plus entre la réalisation scénique et l’inspiration du poète. Nous voulons, sans affectation, sans érudition, sans esthétisme, recréer un instrument dramatique moderne, afin de réaliser, sur la scène, la liberté de l’esprit.

« Subordonner tout à l’intelligence de l’œuvre, ce n’est pas une formule nouvelle. Tout le monde l’adopte ; mais personne ne l’applique ; car, c’est l’art suprême. Connaître une œuvre, savoir ce qu’est son style, l’exécuter dans son diapason, c’est tout notre vieil art français, sans prétention, qui ne souligne rien, mais qui s’impose. Quand on est devant une belle chose, il n’y a rien à dire : elle est.

« Eh bien, si vous avez aimé le Vieux Colombier lorsqu’il en était à ses premiers essais, c’est parce que vous avez confusément senti tout cela en germe, c’est parce que vous avez commencé à apercevoir, sur notre petite scène, la pure configuration des chefs-d’œuvre. »

La salle éclate en applaudissements. Mais il l’interrompt d’un geste qui semble dire : Il ne s’agit pas de m’approuver, et puis de me souhaiter bonne chance…

Regardant droit son public, il va droit à son but :

« Je ne suis pas entré au théâtre à l’âge de 35 ans pour me faire le serviteur des basses combinaisons habituelles. J’y réaliserai ce que je sens que je puis réaliser, ou bien j’en sortirai comme j’y suis venu. Je sens déjà que mes forces sont limitées. J’ai besoin d’être aidé. J’ai besoin d’être suivi. Si vous voulez que nous existions, si vous voulez que cette grande chose à laquelle j’ai voué ma vie, existe, dites-le, prouvez-le ! À vous de répondre. »

Telle est la puissance de la loyauté. La sincérité trouve encore des cœurs où la sympathie peut fleurir.