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DE LA NÉCESSITÉ DES THÉORIES IOO9

l'inventaire des lois dont il découvre, à certains moments d'illumination, un nouvel article. Allégé par la décharge de son instinct, qui le fit travailler dans cette inconscience divine propice au geste créateur, il a reprend ses esprits ». Il constate le miracle. La source jaillit à ses yeux. Aucune spéculation intellectuelle n'eût été capable de lui faire trouver le moindre détail de cette loi qu'il fixe, à tête reposée, en une formule commode. La théorie, énumération jamais complète d'une série de règles qui s'amorcent l'une l'autre, n'est donc pas le produit de la froide raison, mais de l'instinct qui travaille silencieusement, allumant au foyer intérieur un feu mystérieux dont la raison ne fait que recueiUir les cendres brûlantes. La preuve la plus éclatante que cette loi que fixe la théorie ressortit au pur instinct, c'est que le plus misérable professeur d'esthé- tique la connaissait avant l'artiste ; qu'elle a été mille fois exposée, et mille fois oubHée. En effet, c'est en quelque sorte une nécessité vitale qu'une loi ait besoin d'être méconnue à un certain moment, afin d'être avec émer- veillement retrouvée un jour; sa vertu s'évapore rapide- ment ; elle ne recouvre son parfimi qu'après avoir été long- temps séquestrée. Ceci expHque l'utilité de certains désastres historiques, des naufrages de la pensée ; c'est l'unique légitimation des périodes romantiques, inondant les rivages de l'esprit du hmon fertilisant de l'ignorance ou de la révolte.

Les lois éternelles de l'architecture, de la sculpture et de la peinture, pourraient tenir en une ridicule petite plaquette. Heureusement qu'un tel catéchisme ne serait jamais appris par les artistes, et que leur premier geste serait d'en renier tous les articles : à leurs yeux, ces vérités

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