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A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU 85

prouver, avec une impudeur de courtisane, qu'il ne lui marchandait pas le contact de sa chair précieuse, il le menait en laisse, fort ennuyé et ne pensant qu'à s'échap- per, jusqu'au delà de la porte cochère.

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��Un jeune poète lyrique comme Bloch, s'il a pris un fauteuil pour entendre la Bcrma ne pense qu'à ne pas salir ses gants, à ne pas gêner, à se concilier le voisin que le hasard lui a donné, à poursuivre d'un sourire inter- mittent le regard fugace, à fuir d'un air impoli le regard rencontré, d'une personne de connaissance qu'il a décou- verte dans la salle et qu'après mille perplexités il se décide à aller saluer au moment où les trois coups en retentissant avant qu'il soit arrivé jusqu'à elle, le forcent à s'enfuir comme ses Pères les Hébreux dans la mer Rouge entre les flots houleux des spectateurs qu'il fait lever. Au contraire c'était parce que les gens du monde — à ce gala de l'Opéra-Comique pour lequel j'avais eu une place — étaient dans leurs loges (derrière le balcon en terrasse), comme dans de petits salons suspendus dont une cloison eût été enlevée, ou dans des petits cafés où l'on va prendre une bavaroise sans être intimidé par les glaces encadrées d'or et les sièges rouges de l'établissement, c'est parce qu'ils posaient une main indifférente sur les fûts dorés des colonnes qui soutenaient ce temple de l'art lyrique, c'est parce qu'ils n'étaient pas émus des honneurs excessifs que semblaient leur rendre deux figures sculptées qui tendaient vers les loges des palmes et des lauriers, que seuls ils auraient eu l'esprit libre pour écouter la pièce si seule-

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