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74 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'avance deviné la pureté en sentant la douceur de Tair qui venait d'entrer par la fenêtre et regardait à l'angle du toit la place où des pigeons, pareils à ceux qui décoraient le faîte de sa' cuisine, à Combray, venaient faire leur nid au dessus de la cheminée de ma chambre et dont, à chaque printemps, je retrouvais, soudain éclos, le roucou- lement matinal, comme un cocorico adouci, transposé et mauve.

— Ah ! Combray ! Combray ! s'écriait Françoise, quand est-ce que je te reverrai, pauvre terre ! Quand est-ce que je pourrai passer toute la sainte journée sous tes aubépines et nos pauvres lilas en écoutant les gorge- rouges, au lieu d'entendre cette misérable sonnette de notre jeune maître qui me fait tout le temps courir le long de ce satané couloir. Hélas, pauvre Combray ! peut- être que je ne te reverrai que morte, quand on me jettera comme une pierre dans le trou de la tombe. Alors je ne les sentirai plus tes belles aubépines toutes blanches. Mais dans le sommeil de la mort je crois que j'entendrai encore ces trois coups de sonnette qui m'auront damnée d'avance dans ma vie.

Mais elle était interrompue par les appels de Jupien, le giletier, celui qui avait tant plu autrefois à ma grand'mère le jour où elle était allée voir M™^ de Villeparisis, et n'occupait pas un rang moins élevé dans la sympathie de Françoise, et qui, ayant levé la tête en entendant ouvrir la fenêtre, cherchait déjà depuis un moment à attirer l'attention de sa voisine pour lui dire bonjour. La coquetterie de la jeune fille qu'avait été Françoise affinait alors pour un instant le visage ronchonneur de notre vieille cuisinière alourdie par l'âge, la mauvaise humeur

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