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TROIS LETTRES INÉDITES DE RIMBAUD
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Verlaine doit t’avoir donné la malheureuse commission de parlementer avec le sieur Devin, imprimeux (sic) du Nôress[1]. Je crois que ce Devin pourrait faire le livre de Verlaine à assez bon compte et presque proprement. (S’il n’emploie pas les caractères emmerdés du Nôress[1]. Il serait capable d’en coller un cliché, une annonce !)

Je n’ai rien de plus à te dire, la contemplostate de la Nature m’absorculant tout entier : Je suis à toi, ô Nature, ô ma mère !

Je te serre les mains, dans l’espoir d’un revoir que j’active autant que je puis.

R.

Je rouvre ma lettre. Verlaine doit t’avoir proposé un rendez-vol au dimanche 18, à Bouillon. Moi je ne puis y aller. Si tu y vas, il te chargera probablement de quelques fraguements (sic) en prose de moi ou de lui, à me retourner.

La mère Rimb. retournera à Charlestown dans le courant de Juin. C’est sûr, et je tâcherai de rester dans cette jolie ville quelque temps.

Le soleil est accablant et il gèle le matin. J’ai été avant-hier voir les Prussmans à Vouziers, une sous-préfecture de 10.000 âmes, à sept kilom. d’ici. Ça m’a ragaillardi.

Je suis abominablement gêné. Pas un livre. Pas un cabaret à portée de moi, pas un incident dans la rue. Quelle horreur que cette campagne française. Mon sort dépend de ce livre, pour lequel une demi-douzaine d’histoires atroces sont encore à inventer. Comment inventer

  1. a et b Le Nord-Est, journal de Charleville.