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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Dans cette lettre, on verra jusqu’à quel point l’auteur de la Saison en Enfer s’intéressait aux Romances sans Paroles de Verlaine,[1] — car c’est des Romances sans Paroles qu’il s’agit au troisième alinéa, — et que, non content, selon le propre aveu du Pauvre Lélian, de l’avoir « poussé beaucoup à les faire », il s’occupait, avec Ernest Delahaye, de leur trouver un imprimeur à Charleville.

L’on constatera aussi, toujours à propos de Verlaine, que Rimbaud n’accepta pas sans hésitation le rendez-vous à Bouillon, en suite duquel rendez-vous, eut lieu, le 25 mai, le dernier départ des deux amis pour l’Angleterre, départ précédant d’un mois et demi le drame de Bruxelles.

La deuxième lettre, février 1875, a été écrite de Stuttgart. Rimbaud, après des séjours en diverses villes et surtout à Londres, où sa mère et l’une de ses sœurs avaient demeuré un certain temps avec lui, se trouvait en Allemagne depuis le 13 de ce mois de février. Ce serait donc de la seconde quinzaine du mois qu’il faudrait au juste dater la lettre, et la date du 15 mentionnée en son cours se rapporte évidemment au mois de mars. Cela, d’ailleurs, se vérifie tant par la première des Lettres publiées en volume au Mercure de France que par des documents conservés par la famille.

On sait que Verlaine, peu après sa sortie de la prison de Mons, chercha à joindre Rimbaud. Le sachant à Stuttgart, il y courut, sans avis préalable, pensant sans doute causer à son ancien camarade une heureuse surprise. Il l’imaginait de manières invariées, et c’est pourquoi — nous tenons ces détails de Verlaine lui-même — il se présenta à lui sous un accoutrement plutôt romantique. Mais le Bateau ivre s’était plus assagi que Sagesse. Rimbaud, très correct en la pension de famille qu’on lui avait choisie, accueillit Verlaine froidement ; et si, sur les instances larmoyantes de ce dernier, afin d’avoir la paix, il consentit à une excursion hors de la ville, ce fut pour gagner la Forêt-Noire et lui infliger là ce que, par délicieux euphémisme, il appelle une « remonstration ».

Une phrase, dans cette lettre, est troublante. C’est celle où Rimbaud dit n’avoir plus qu’une semaine de Wagner et regretter un

  1. Cf. Paul Verlaine, par Edm. Lepelletier, p. 325.