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TROIS LETTRES INÉDITES
DE RIMBAUD


Elles sont, de divers lieux, adressées à M. Ernest Delahaye, son ami d’enfance ; et, de même que celles parues dans le numéro de la Nouvelle Revue Française d’octobre 1912, elles nous ont été communiquées par M. Henri Saffrey, bibliophile. Le ton de familiarité bouffonne qui y est employé pourra, à d’aucuns, paraître grossier, cynique, voire méchant. Nous le tenons, nous, pour très délicat, pour mieux délicat que des civilités, que des mondanités, le plus souvent hypocrites. Car, outre qu’il est de complaisance, ce ton cache à peine, sous le masque sarcastique, truculent et irrité, des résonances très profondes d’angoisse, çà et là se trahissant, et l’écho de cette charité, de cette bonté, de cet esprit de sacrifice dont ceux qui ont bien connu Arthur Rimbaud de son vivant ont apporté le témoignage : le destinataire de ces trois lettres-ci, en particulier.

La première, mai 1873, est datée de Roche (Ardennes), où la famille Rimbaud, savons-nous, surveillait à ce moment-là la reconstruction des bâtiments d’exploitation agricole détruits, quelques années auparavant, par un incendie. Arthur a dix-huit ans. Le « livre païen », ou « livre nègre », dont il parle n’est autre que la Saison en Enfer ; et point n’est besoin de réfléchir beaucoup pour se rendre compte que la partie du livre à laquelle il travaille est le considérable chapitre intitulé Mauvais Sang. Le présent document approuve donc ce que, à une époque où il n’était pas encore tombé sous nos yeux, nous avons écrit à ce sujet dans Jean-Arthur Rimbaud, le Poète. Est-il nécessaire de faire remarquer que la façon badine dont Rimbaud parle de son travail est démentie par ces mots du premier post-scriptum : « Mon sort dépend de ce livre » ?

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