Page:NRF 12.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée

RIMBAUD 47

le fixer en un autre sens, ainsi qu'un médecin fait pour une maladie: par l'exploration ; il comptait bien découvrir, en même temps que sa véritable essence, le remède qui l'en guérirait à jamais. Nous avons vu qu'il y réussit ; nous avons vu naître et se développer sous son regard la vision du paradis. Lorsqu'il l'eut enfin conquise dans toute son évidence, il ne lui resta plus qu'à en attendre l'accomplissement. Auprès de cette formidable espérance, quel sens pouvait garder à ses yeux la littérature? Sitôt la Saison en Enfer publiée, il en détruisit l'édition, comme on jette un instrument dont on ne se servira plus. Et qu'avait- il besoin qu'elle fût lue ? Il lui suffisait de l'avoir écrite. Par elle, il savait maintenant tout ce qu'il avait voulu savoir. Par elle, il avait saisi, en figure, le bien que toute son âme désirait. Cette promesse contre son visage ^, c'était assez désormais pour lui. Tant il l'avait bien comprise, il pouvait même l'oublier. Elle avait passé dans son sang ; il n'avait plus que faire des phrases et des mots qui l'avaient découverte et portée jusqu'en lui.

��*

��Si cette explication d'un silence si extraordinaire paraît insuffisante, qu'on veuille bien prendre patience. Nous tâcherons de la compléter à la fin de cette étude. La certitude de sa délivrance future n'est assurément pas la seule raison du renoncement poétique de Rimbaud, parce

" Comparez : " La douceur fleurie des étoiles, et du ciel, et du reste descend en face du talus, comme un panier, contre notre face, et fait l'abîme fleurant et bleu là-dessous." (Les Illuminations : Mystique, p. 173J

�� �