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��46 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dides villes. " ^ L'être innocent connaît maintenant son avenir ; la patience descend en lui et l'endurcit ; il ren- ferme soigneusement ses cris et ses sursauts ; il a assez de savoir. Son occupation désormais, c'est uniquement d'at- tendre " son jour " '\ — le jour où il pourra reprendre toute la place dont il a besoin, où, pour contenir son âme intacte, un corps intact et glorieux lui sera donné : " Et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. " ' C'est sur l'apaisement de " cette promesse surhumaine faite à son corps et à son âme créés " ^ que se termine la Saison en Enfer.

L'idée d'innocence explique, comme nous venons de le voir, toute l'œuvre de Rimbaud. Elle explique même davantage : le renoncement de Rimbaud à poursuivre cette œuvre, son étrange et soudaine mort poétique. Il y a dans le brusque silence de ce génie de dix-neuf ans un mystère qu'on a tenté d'éclaircir par les hypothèses les plus diverses. Je ne pense pas qu'on puisse en venir à bout par la seule considération de la biographie du poète. C'est dans la nature même de son œuvre qu'il faut chercher les raisons pour quoi il ne l'a point continuée. Écrire ne fut jamais pour lui qu'un moyen, — le moyen de se débarrasser de son âme, de projeter hors de lui le mal merveilleux dont il était atteint. Les Illuminations le fixèrent à la façon dont certains corps fixent les gaz, en s'en imprégnant. Dans la Saison en enfer^ Rimbaud voulut

  • Une Saison en enfer : Adieuj p. 308.
  • Les Illuminations : Génies p. 1 70.
  • Une Saison en enjer : AdieUy p. 309.
  • Les Illuminations : Matinée d* ivresse, p. 183.

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