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44 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il faut pourtant que cette image subisse une dernière purification, achève de se dépouiller de tout élément symbolique. La vision du retour à rinnocence, telle que nous venons de la considérer, est encore mélangée avec l'idée d'une transformation sociale ; le mouvement qui nous rapproche de notre délivrance est le même que " la marche des peuples. " Dans V Adieu qui ferme la Saison en Enfer^ Rimbaud comprend enfin que l'objet où tend son âme ne peut être atteint par aucun progrès terrestre, que l'état de pureté auquel il aspire comme à une dignité perdue, c'est tout simplement l'état de paradis, et ce qui l'en sépare, simplement ce qui lui reste à vivre :

"L'automne déjà ! — Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, — loin des gens qui meurent sur les saisons. " *

C'est maintenant tout droit dans le Paradis, qu'aux moments de lucidité, pénètre son regard :

" — Quelquefois je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie. Un grand vaisseau d'or, au-dessus de moi, agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin. " ^

En même temps que la réalité de ce qu'il a si long- temps imaginé, et sous des formes si diverses, lui apparaît enfin évidente, inévitable et paisible, le poète prend conscience de la vanité de ses inventions : " J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. " ' Tout cela

• Une Saison en enfer : Adieu^ p. 306.

• Ibidem^ p. 307.

• Ibidentt p. 307.

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