38 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
rien de moral, toutes métaphysiques. Sa mission est purement de désorientation. Le secours qu'il vient nous apporter, c'est de nous rendre le séjour ici-bas impossible. Il a été envoyé simplement pour se montrer à nous, pour passer au milieu de nous avec sa perfection insoutenable, pour nous faire sentir notre abjection et nous la reprocher sans paroles, par sa seule présence : " Et que me voulait- il avec mon existence terne et lâche ? Il ne me rendait pas meilleure, s'il ne me faisait pas mourir. " ^ Il est venu priver de sens et de vertu tout ce qui nous entoure, resti- tuer aux perfections de ce monde leur originelle infirmité : " Il m'attaque, il passe des heures à me faire honte de tout ce qui m'a pu toucher au monde, et s'indigne si je pleure. " ^ Il n'explique pas ses violences, ses paroles jamais ne découvrent les raisons de ses insultes ; mais il est là, il vit à côté de nous, il palpite différemment comme un être chû d'une autre planète. Nous assistons à son tourment énigmatique et sacré ; il souffre sous nos yeux de la maladie sans nom qui s'attaque aux prodiges : et nous recevons les éclaboussures de son martyre. C'est là tout l'avertissement qu'il nous donne ; c'est là le seul présent de sa charité. En effet, devant cette angoisse soli- taire et méprisante qui l'agite, une interrogation peu à peu se forme en nous qui est le commencement de l'impossi- bilité au monde : "A côté de son cher corps endormi, que d'heures des nuits j'ai veillé, cherchant pourquoi il voulait tant s'évader de la réalité. " ' Cela ne s'apaisera plus. Le sentiment de quelque chose de perdu s'est mêlé à notre
- Une Saison en enfer : Délires I : rierge Jolie, p. 280.
- Ibidem f p, 282.
' Ibidem, p. 279.
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