Page:NRF 12.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

36 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

poumons ; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l'herbe, chasser, fumer surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, — comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux. " ^ Cette imagination, c'est une issue à l'enfer ; elle s'élève devant les yeux du poète comme un moyen de calmer son âme en refaisant autour d'elle le climat inflexible dont elle a besoin.

Mais Rimbaud va nous montrer maintenant d'une façon plus précise et plus complète la délivrance de l'être intact, ou plutôt, d'abord, sa légèreté parmi nous, l'espèce de détachement comme métaphysique de toutes ses dé- marches. Tandis que tout à l'heure il nous le présentait dans son contact intolérable avec le monde, il nous le fait entrevoir à présent qui surnage à la surface de la vie, qui ne s'y laisse pas réduire, ni tasser : " La vie fleurit par le travail, vieille vérité : moi, ma vie n'est pas assez pesante, elle s'envole et flotte loin au dessus de l'action, ce cher point du monde."* Dans le poème intitulé Vierge Folky c'est l'innocent qui reparaît sous les traits de cet être savant, cruel, inemployé, qui erre comme une ombre et comme un démon, avec ses reproches, ses promesses, ses confidences incompréhensibles, trop élastique pour cette vie, retenu en elle par à peine on ne sait quel monstrueux petit oubli. On le voit passer sans bruit ; il a repris son mystérieux volume et ce développement que notre voisinage lui rendait impossible ; il tient à peine à nous ; il ne peut rester une minute en repos ; on dirait

' Une Saison en enfer : Mawvais Sang, p. 260-61. • Ibidem^ p. 268.

�� �