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RIMBAUD 33

pour s'y trouver ; il n'est pas le lieu de la punition du péché, mais au contraire l'horreur d'être plongé innocent au sein du péché : " Et dire que je tiens la vérité, que je vois la justice : j'ai un jugement sain et arrêté, je suis prêt pour la perfection. " ^ Voilà justement la source du supplice qu'endure Rimbaud : il la porte avec lui ; elle est sur place. Une chose d'ailleurs prouve que cet enfer se confond avec la vie, c'est qu'il n'est pas définitif; on peut en sortir, comme jadis sortirent des limbes les âmes délivrées par Jésus : " Pourtant aujourd'hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C'était bien l'enfer ; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes. " ^

De plus, la nature même des souffrances qu'on y subit nous indique quel il est et où il le faut situer. D'un bout à l'autre la Saison en Enfer est le poème du malaise et de l'intolérance. Cela ne paraît pas seulement à ce qui s'y trouve exprimé. La seule disposition des phrases, leur allure entrecoupée, leur interrogation dans tous les sens, la variété des tournures qu'elles essaient, et leur piétine- ment, leur perpétuel faux départ, tout en elles évoque les tâtonnements de quelqu'un qui cherche une attitude où se reposer et ne la trouve pas. L'être parfait tâche à se faire une place, à se caser au milieu de nous ; il s'adresse partout et partout il se sent repoussé : " A qui me louer ? Quelle bête faut-il adorer ? Quelle sainte image attaque-t-on ? Quels cœurs briserai-je ? Quel mensonge dois-je tenir ? — Dans quel sang marcher ? " ^ " Bah !

  • Une Saison en enfer : Nuit de Venjer^ p. 271.

' Une Saison en enfer : Matin, p. 304.

' Une Saison en enfer : Mawvais Sang, p. 262.

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