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RIMBAUD 31

différente de sa personne humaine, il lui dit : " Ma camarade, mendiante, enfant monstre ! comme ça t'est égal, CCS malheureuses et ces manœuvres, et mes embarras. " ^ Dans toutes nos démarches il trouve quelque chose d'empêtré et d'infirme : " Et l'embarras des pauvres et des faibles sur ces plans stupides ! " ^ Il passe auprès de nous, seul, distrait, railleur, plein d'un épouvantable loisir : " Mais qui a fait ma langue perfide tellement qu'elle ait guidé et sauvegardé jusqu'ici ma paresse ? Sans me servir pour vivre même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, j'ai vécu partout. " ^ Il nous regarde, courbés sur la besogne, en proie au travail, qui justement est la punition du péché originel et dont, ainsi, de par son exemption merveilleuse, il se trouve dispensé ; il nous regarde et il rit : " J'ai horreur de tous les métiers. Maîtres et ouvriers, tous paysans, ignobles. La main à plume vaut la main à charrue. — Quel siècle à mains ! — Je n'aurai jamais ma main. " ^ Il rit: "Jamais je ne travaillerai. " ' Et tout à coup il nous aperçoit mieux ; il nous découvre rangés en cercle autour de lui, et il a peur : il est pris ; que lui veulent tous ces visages incompréhen- sibles ? " Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n'ai jamais été de ce peuple- ci ; je n'ai jamais été chrétien ; je suis de la race qui

  • Les Illuminations : Phrases^ p. 188.

' Les Illuminations : Soir historique^ p. 218. ' Une Saison en enfer : Mawvais Sang, p. 258.

  • Ibidem, p. 257.

^ Une Saison en enfer : Délires I : Fierge folle, p. 278. Cf. même poème, p. 281 : "Il ne travaillera jamais," et dans les Illumina- tions : Fertige, p. 1 1 2 : " Jamais nous ne travaillerons. "

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