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33 8 • LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

chez tous les peuples du Nord : ils séparent les livres de la vie ; ne savent pas voir que c'est la même chose.

C'est ce qu'Arnold Bennett a essayé de leur faire comprendre, dans ce petit manuel. Mais, même s'ils comprennent, les " chers indifférents " seront-ils convertis ? Bennett commence par dire que le don d'aimer les livres est le fondement de toute culture littéraire ; et que c'est un " petit nombre de gens passionnés " qui font et entretiennent les grandes réputations. " The passionate few. " Combien peu, hélas ! Et comme vrai- ment Fart, et surtout la littérature est bien la chose d'une aristocratie. (C'est du reste la seule façon possible d'être vraiment populaire.)

V. L.

��LETTRES ALLEMANDES

PER TOD IN VENEDIG par Thomas Mann (S. Fischer, Berlin).

Cent cinquante pages; peu ou point d'action. La Mort a Venise n'est que l'histoire d'un écrivain pris d'une nostalgie sans nom, sans but. Aschenbach fuit sa ville, sa maison, les choses familières. Il fuit pour fuir, pour échapper â ses habitudes, à sa règle, pour s'évader de lui-même. L'idéal qu'il s'était fait l'emprisonne : il étouffe et part, à l'aventure. Echoué dans la ville des lagunes, perdu dans la foule, la solitude, le rêve, il se prend à la beauté d'un enfant blond, un Polonais de quinze ans qu'il entrevoit à table d'hôte. La mort enlève Aschenbach avant qu'il ait échangé une parole avec Tadzio.

Plus encore que les Buddenbrooks et Konigliche Hoheit ce roman est ciselé comme une coupe où mille arabesques s'enlacent et se dénouent sans jamais aboutir, creusent et réduisent la précieuse matière qui prend une vie fabuleuse. Thomas Mann

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