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334 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

contré Zola. — On a réentendu avec plaisir cette jolie parti- tion du Rêve qui souleva à son époque autant de colères ou presque que le Sacre du Printemps. Elle ne paraît plus singulière, mais elle sait toucher encore, par le ton absolument juste qui fait sa durable valeur ; c'est là le commun caractère aux hardiesses de bon aloi, que, cessant d'être hardies, elles ne cessent pourtant pas d'être...

Dans le même temps l'Opéra-Comique a remis à la scène la Péri. Voilà un de ces ouvrages qu'il devrait toujours nous être loisible d'entendre et dont nous sommes trop sevrés. On les admire dès l'abord ; on n'en fait pas en une fois le tour. Ils sont d'impression, mais ils sont aussi de raison. Quand on en a goûté l'éclat, ils veulent encore qu'on en éprouve la science et la solidité. M. Dukas qui est un musicien pur, bien plutôt qu'un musicien de théâtre, semble avoir entrepris la tâche difficile d'incorporer toutes les innovations de son siècle à la tradition symphonique léguée par Beethoven et Wagner. Il entend que la symphonie ou le poème symphonique demeure le genre " monumental " qu'il était, fortement et visiblement charpenté, étroitement ajusté dans la moindre de ses parties, et tous les accidents pittoresques qu'il y accueille, il n'a de cesse qu'ils ne se fondent dans la pâte commune, dans le mortier qui va durcir. Il y a en lui du Saint-Saëns, mais avec une telle ouver- ture d'esprit sur son temps, une telle curiosité de l'aventure moderne, une telle soif de rajeunissement ! Il cultive de la per- fection une idée traditionnelle, mais n'imagine pas que rien en puisse jamais être exclu. Il ne la nourrit pas de poncifs et de formules usagées, il l'abouche avec le présent, avec le concret même avec l'informe ; il la surnourrit de réalité. Parmi les œuvres de recherche exotique dont la mode nous vient des Russes, et des ballets russes, la Péri nous apparaît comme une de ces toiles de soie mêlée d'or, à plis cassés, épaisses, opaques^ telles qu'on en vend en Orient, aux bazars de Brousse ou de Smyrne ; épaisse, elle ne pèse point ; opaque, son chatoiement

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