lée. Charles X, si la vérité royale lui paraissait commander la santé militaire de la France, ne prétendait pas qu’elle commandât rien de littéraire, et il répondit aux hommes verts qu’il n’avait que sa place au parterre. S’il avait montré cinq mois plus tard autant de bon sens, la France aurait conservé probablement sa famille de rois. Guillaume II n’a rien ajouté à la santé de l’Allemagne lorsqu’il a mis, à plusieurs reprises, l’épée du Hohenzollern dans le plateau des valeurs littéraires. La politique n’a en littérature que sa place au parterre, comme la littérature n’a en politique que sa place au paradis.
VOYAGE DU CONDOTTIÈRE, par André Suarès (Émile Paul).
Le Voyage du Condottière que les lettrés chérissaient depuis plusieurs années dans un volume de fortune, paraît enfin dans une édition convenable. Aucun Voyage en Italie n’est plus jeune, plus héroïque, plus sensuel. À la terre de la beauté M. Suarès n’a voulu apporter que de la beauté, il en a créé, versé, fait tournoyer à profusion, et, comme un prince de la Renaissance, il ne vit ici que dans les fêtes flamboyantes du style. Il y a des phrases où l’on mord comme dans des fruits, des phrases d’or, de parfums, de cristal… Mais ces phrases vives ne sont point vides, un cœur ardent les alimente. « Je n’ai pas mangé depuis trente heures. La lumière nourrit. » C’est cela, la phrase boit à torrents une nourriture qui lui verse la vie, et qui ne l’alourdit jamais. Mais précisément parce que cette lumière vibre sur des paysages vrais, sur des fonds substantiels, elle ne cesse jamais de donner l’impression de la réalité. Elle est contrainte, comme un fleuve, entre deux rives dures, celle du pays, celle du voyageur. « Un homme voyage pour sentir et pour vivre. À mesure qu’il voit du pays, c’est lui-même qui