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308 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et qui va de 'Novembre à Bouvard, ne dépasse-t-il point, d'ailleurs, le but ? Après qu'il est devenu " limpide et souriant ainsi qu'une rose nouvelle ", le Bourgogne tourne à la transparente pelure d'ognon, puis il s'affaiblit, passe et meurt. Je ne partage pas l'enthousiasme de M. de Gourmont pour le livre qu'il appelle " la pièce d'archives où la postérité lira clairement les espoirs et les déboires d'un siècle ". Flaubert disait qu'il aurait voulu que son livre donnât l'impression d'avoir été écrit par un crétin, inutile de dire qu'il n'y est pas non plus arrivé. Mais, dans ce pendant moderne à la Tentation, je ne vois qu'un inventaire, rédigé par un notaire méphistophélique, dans le style éteint qui convient, et qui paraît, comme certaines pages de Stendhal, la démission lucide et désabusée du style. C'est Madame Bovary, ce n'est pas Bouvard, qui fournit dans son fond et dans sa forme, le Don Quichotte de Flaubert.

J'ai parlé d'un Flaubert rabelaisien. Les Premières Œuvres nous offrent un fragment de Flaubert sur Rabelais, qui se termine ainsi : " Vienne donc maintenant un homme comme Rabelais ! Qu'il puisse se dépouiller de toute colère, de toute haine, de toute douleur ! De quoi vivra-t-il ? Ce ne sera ni des rois, il n'y en a plus ; ni de Dieu, quoiqu'on n'y croie pas, cela fait peur ; ni des jésuites, c'est déjà vieux. Mais de quoi donc ? Le monde matériel est pour le mieux, ou du moins il est sur la voie. Mais l'autre ? Il aurait beau jeu. Et si le poète pouvait cacher ses larmes et se mettre à rire, je vous assure que son livre serait le plus sublime et le plus terrible qu'on ait fait. '* Voilà, peut-être, l'idée primitive de Bouvard, mais d'un Bouvard qui eût été en expansion et en romantisme ce que le vrai Bouvard est en dépouillement et en sécheresse.

Je ne me dissimule pas ce qu'a d'un peu artificiel et vain un débat qui roule, en somme, sur le problème de la nécessité ou de la contingence du style et qui ne saurait s'abstraire du problème général de la nécessité et de la contingence, sur lequel on dissertera indéfiniment. M. de Gourmont, dans son livre déjà

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