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RIMBAUD 25

avec elle, lui qui, du fait même qu'il respire, la condamne et la rejette, lui pour qui — joie ou malheur — elle est toujours offensante. Du même mouvement dont il repousse la vie, il est tourné contre nous qui l'acceptons. Nous faisons partie de ce vaste système du tant bien que mal oi!i il est pris, nous sommes le peuple des " infâmes in- firmes ". ^ Il nous hait sans mesure, il a pour nous la férocité distante et impitoyable d'un être d'une autre race, voué à des vertus et à des exigences différentes. Quelle excuse pourrait-il accepter ? Il ne peut pas entrer avec nous dans des considérations. Tant pis pour nous ! Il ne fallait pas fléchir. Il ne nous connaît pas. Tout a été décidé dans le principe. Qu'est-ce que ça peut lui faire, maintenant, ce qui nous arrive ? — Il est séparé de nous d'une manière constitutionnelle. Vraiment, de lui à nous, il n'y a que la haine qui puisse passer. Comment échangerait-il normalement ses sentiments avec les nôtres ? Ce n'est pas la même monnaie. Nous avons la recon- naissance, la pitié, l'amour, tout ce qui se partage, tout ce qu'on éprouve dans une ignoble communauté. Mais lui, il a l'innocence avec ce qu'elle a d'acide, de brûlant et de privé ; elle le divise d'avec nous ; elle entretient sa colère, comme une flamme qui ne dépense pas, dans une constante intensité ; elle nourrit cette prodigieuse solitude, d'où sans trêve il lance sur nous les éclairs de son insulte.

III

Nous tenons maintenant le secret de Rimbaud et du même coup la clef de sa poésie. Il ne nous reste qu'à

Poème liminaire de la Saison en enfer. Œuvres, p. 251.

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