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22 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

vierge, inentamé, " n'ayant jamais aimé de femmes, — quoique plein de sang. " ^

La virginité de Rimbaud. Peu nous importe après tout le problème de sa chasteté physique ! L'âme en tous cas qui vivait dans ce corps, était vierge. Mais en accueillant ce mot, gardons-nous de le laisser évoquer, comme il en a l'habitude, des images tendres et fragiles ; il faut au contraire lui donner son sens le plus dur, le plus terrible. L'âme de Rimbaud, c'est une âme qui n'a pas subi l'humiliation de l'étreinte, qui n'est alourdie, ralentie par aucun souvenir honteux, forte de toutes ses forces, violente, injurieuse, armée. La virginité en elle est pareille à la guerre. " Apprécions sans vertige l'étendue de mon innocence ! " ^ Rimbaud, c'est l'être innocent entre ceux à qui on peut faire reproche : " Je n'ai point fait le mal. Les jours vont m'être légers. Le repentir me sera épargné."' Osez donc venir témoigner contre lui. Mais c'est lui au contraire qui s'avance sur vous. Il porte sur son visage l'éclat de son privilège ; son regard tombe ici et là, étincelant, sauvage. Monstre de pureté et de perfection ! Son épouvantable jeunesse, cette enfance-prodige ne sont point un accident en lui, un moment, un passage, mais son âme même. Il a été construit pour demeurer un enfant à travers la vie, — un enfant avec son cœur intact et méchant, avec son innocence et sa tyrannie.

On peut le dire presque sans métaphore : Rimbaud c'est l'être exempt du péché originel. Dieu l'a laissé

  • Les Déserts de l* Amour, avertissement, dans les Œuvres, p. loa.

' Une Saison en enfer : Mauvais Sang, dans les Œuvres, p. 267. ' Ibidem, p. 265.

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