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250 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

thèques pour la secouer ensuite autour de lui, — commence à rentrer dans l'ombre, comme d'ailleurs la légende d'un Gobineau amateur et dilettante, ami des paradoxes et s'amusant à mystifier ses contemporains. La vérité est plus souriante à la fois et plus belle. Qu'on cède enfin la place à la vraie physio- nomie morale d'un artiste extrêment avide de science, mais sans raideur, d'un lettré doué d'une magnifique culture, grand voyageur, causeur aimable, pessimiste parce qu'observateur et quand même idéaliste parce qu'ami de la Beauté. Durant sa longue carrière de diplomate — de diplomate par accident — Gobineau s'est reposé de travaux officiels, de rapports ministé- riels, de mémoires fastidieux, en composant des œuvres pleines de vie, d'humour et de psychologie. Comme tout homme de génie il eut — qu'on me passe l'expression — deux ou trois bateaux. Ceux-ci même ne sont dénués ni de style ni d'élégance et, s'ils prennent l'eau, aujourd'hui, par quelques fissures, encore voyons-nous combien peu il faudrait pour les rendre imperméables, et comme ils gardent fière allure !

Du moins, dans Mademoiselle Imoisy il serait difficile, je crois, de trouver le mauvais Gobineau, j'entends le systématique et l'homme à thèse. Voici une œuvre exclusivement littéraire. Cette nouvelle appartient à la première période de la vie de Gobineau, celle oii, désireux de gagner son pain et la gloire avec sa plume, le futur auteur des Plé'iades, sans chercher plus loin, collabore aux journaux, inonde les périodiques de ses productions, contes, nouvelles, romans en prose ou en vers, et ne se fie qu'à sa fantaisie, guidée déjà par un sûr instinct d'observateur. Elle met en lumière les deux qualités maîtresses de notre écrivain : le don de psychologie et cette froide et terrible ironie dont il ne se départira jamais, étant juste le contraire d'un moraliste.

Tancrède de Visan.

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