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RIMBAUD 227

Faut-il voir dans révolution du style de Rimbaud vers la brièveté une simple mise au point technique ? N'est-ce que pour rendre sa phrase plus harmonieuse que le poète s'est appliqué à la resserrer ? Je pense que c'est pour la rendre plus vraie. Oui, l'espèce d'élaboration qu'il lui fait subir, nous le montre aux prises avec un objet qu'il veut saisir, dont il se rapproche peu à peu. D'autres écrivains ont procédé par condensation ; mais non pas d'une façon continue ^ tantôt ils ramassaient, mais tantôt aussi ils développaient les données premières de leur inspiration. Rimbaud, pas une seule fois, n'ajoute une ligne à ses ébauches. Son mouvement est toujours le même : il revient, il regagne le plus de terrain possible sur ce qu'il a d'abord énoncé. C'est qu'il cherche, c'est qu'il y a quelque chose, là, au milieu même de toutes ces paroles émises, qu'il veut trouver.

S'il avait forgé ses visions de toutes pièces, il eût recouru certainement à l'amplification ; nous l'aurions surpris en train d'étendre et d'enrichir ses "idées"; nous aurions assisté à ses trucs de production ; ses brouillons nous seraient apparu comme en deçà du texte définitif, ils en auraient indiqué les linéaments, ils en auraient formé le squelette. Mais au contraire, tels que les voici sous nos yeux, leur pauvreté — d'ailleurs incontestable — consiste, bien plutôt que dans leur maigreur, dans leur abondance, dans le surcroît et la foison des phrases ; il y a en eux comme une faiblesse d'ensemble ; on sent que quelque chose est dissous dans tous ces mots, qu'il va falloir faire cristalliser.

Plus précisément, le travail du poète, tel que nous le découvrons ici, n'est pas pour faire naître quoi que ce

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