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RIMBAUD 17

des classes, contre Torganisation que les hommes se sont eux-mêmes imposée ; elle prétend renverser tout ce qu'il y a d'artificiel dans la vie, tout ce qui est surajouté à la simple nature. Mais elle accepte certains commencements, les fondations de l'édifice et tout au moins l'existence ici-bas. Rimbaud refuse tout en bloc : c'est contre la condition humaine qu'il s'élève, bien mieux contre la condition physique et astronomique de l'Univers. Là est l'insupportable : dans tout. Etre vivant : voilà l'horreur I Etre là, subir, admettre, durer : voilà ce qui ne se peut faire sans honte, sans exécration, sans vengeance ! Il y a quelque chose qui vous tient à la gorge, qui vous étouffe. Il y a une impossibilité positive et comme agressive à " être au monde " ^ La colère de Rimbaud, c'est une intolérance, au sens médical du mot. Il ne peut rien " garder ", tout son organisme est en défense et dans un état de malaise et de rejet primitif, fondamental, permanent. Il suffoque, il se tourne et se retourne indé- finiment ; en vain toujours. Ses fugues continuelles sont les sursauts de cette intolérance métaphysique. L^endroit où il se trouve a pour lui quelque chose de brûlant, la place qu'il occupe le chasse comme avec une main ; il n'a pas besoin, pour n'y pouvoir rester, de la méchanceté des hommes ; le seul fait d'y être situé, la simple station en ce point sont en eux-mêmes assez épouvantables pour l'obliger à fuir.

D'un bout à l'autre de cette lettre à Delahaye dont nous avons déjà cité plusieurs passages, on sent bien l'espèce de

^ " Nous ne sommes pas au monde. " Une Saison en enfer : Délires I : Vierge Folle^ dans les Œuvres, p, 277.

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