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n’allons pas réellement jusqu’à l’autre monde. Mais nous quittons le premier état des choses : " Quant au monde, quand tu sortiras, que sera-t-il devenu ? En tous cas rien des apparences actuelles ^. " Nous faisons un pas et, au lieu de tomber sur la suite, quelque chose s’est mis là dont ce n’était pas la place, quelque chose avec quoi la transition est à la fois facile et absurde : " Le long de la vigne, m’étant appuyé du pied à une gargouille, — je suis descendu dans ce carrosse dont l’époque est assez indiquée par les glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés ^. " En somme, des objets habituels, par je ne sais quelle mystérieuse déception, nous glissons sans cesse à leur désordre.

Ce désordre, on le voit se ranimer, derrière le voile de la réalité immédiate, comme s’il était quelque chose de plus ancien et de plus vrai que ses éléments : " C’est elle, la petite morte, derrière les rosiers. — La jeune maman trépassée descend le perron. — La calèche du cousin crie sur le sable. — Le petit frère (il est aux Indes !) là, devant le couchant, sur le pré d’oeillets. — Les vieux qu’on a enterrés tout droits dans le rempart aux giroflées^." Cela remonte tout seul, comme se dressent " les vieux qu’on a enterrés. " Le monde retrouve sa vieille incohérence fondamentale ; il échappe aux catégories ; les choses ne sont plus tout à fait astreintes à elles-mêmes ; elles

• Les Illuminations : Veillées^ p. 196.

  • Les Illuminations : Nocturne Vulgaire, p. 191. Comparez : " Un pont conduit à une poterne immédiatement sous le dôme de la Sainte-Chapelle. " {Les Illuminations : Villes II, p. 212.)

’ Les Illuminations : Enfance^ pp. 19S-99.