Page:NRF 12.djvu/224

Cette page n’a pas encore été corrigée

21 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

salle même où les dessus de portes sont des bergeries roussies avec des armes et des lions ^ ". Tout ce qui passe sous nos yeux nous l'avons déjà vu, nous pouvons le nommer. D'où vient donc l'étrange désordre où nous le retrouvons et quel est le spectacle enfin dont les Illumi- nations nous ouvrent l'accès ? Quel est l'objet que nous montre Rimbaud ?

Non pas un autre monde, mais celui-ci en tant que l'autre le désorganise. Non pas une contrée inconnue, mais nos alentours les plus immédiats, saisis d'incohérence par le voisinage formidable de l'au-delà. Les meubles d'une chambre, les arbres que l'on aperçoit par la fenêtre: mais ils nous apparaissent un peu plus loin que nous n'avons l'habitude de les voir, pris déjà dans la zone d'attraction du surnaturel. Comme une comète, en entrant dans les parages d'un grand astre, se raréfie, se lézarde, se déchire et rend au néant, les éléments dont elle est faite, c'est ainsi que les Illuminations surprennent notre monde en train de céder à l'autre ; c'est à sa panique, à sa débâcle qu'elles nous font assister. Les précautions que nous avions prises pour boucher tous les interstices, brusquement se révèlent inutiles. Le foyer s'est approché par derrière ; la resplendissante face invisible est là tout près, qui laisse filtrer ses rayons. Tout chancelle et faiblit. Nous n'avons pas bougé, mais l'irrésistible gravitation fait son œuvre autour de nous.

Mille citations pourraient être alléguées ici, attestant que cet évanouissement du monde naturel devant l'autre, est bien le drame que nous dépeignent les Illuminations,

  • Les Déserti de P Amour, Œuvres, p. 105.

�� �