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l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

C'est une certaine façon pleine d'arrière-pensée de nommer les choses, le choix indifférent de Tune d'entre elles pour l'énoncer, un air de dire : "Voyez-moi ça, hein ! ", un silence sur un mot, une façon d'en appeler aux dieux, de les prendre à témoins en se taisant sur quelque chose. Comme le plus parfait éloge est quelquefois de ne rien dire, ainsi la moquerie de Rimbaud est de cueillir au hasard n'importe quoi et de l'entourer de sa réticence. Le ton de sa voix indique assez tout le scandale qu'il trouve dans l'objet choisi : s'il vous plaît de regarder, vous verrez du joli ; mais ça serait la même chose, si nous avions pris à côté ; on ne comprend vraiment pas pour- quoi l'on se plaindrait, puisque tout est de la même qualité que ça, voyez donc ! " Je n'ai rien de plus à te dire, la contemplostate de la nature m'absorculant tout entier : je suis à toi, ô Nature, ô ma mère ! " ^

y Nous apercevons maintenant quelle est la véritable essence de la haine de Rimbaud. C'est une révolte non pas d'ordre social, mais d'ordre métaphysique.

f' Il faut se garder de prendre Rimbaud pour un bohème;

il ne faut pas le croire lorsqu'il se peint lui-même dans ses premiers vers " débraillé comme un étudiant " ^ ; il est bien autre chose qu'un voyou. Le visage ébouriffé et désordonné que lui prête Fantin-Latour, s'il n'est pas sans vraisemblance, cependant risque de suggérer une fausse interprétation de sa révolte. La bohème est une protesta- tion contre la société et ses usages, contre la hiérarchie

» Lettre à Delahaye de Mai 1873 (P* 53 du présent numéro).

  • A la musique, Œuvres, p. 370.

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