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LA MARCHE TURQUE 199

tous outrageusement neufs et du plus abominable goût. Si peut-être pourtant je m'approche d'une suspension de cuivre qui me paraît d'art byzantin, je m'aperçois presque aussitôt qu'elle est moderne, de vulgaire travail et d'indiscret éclat. Le derviche qui nous accompagne m'ex- plique alors que la vraie lampe est partie en Amérique et que ceci n'est qu'une copie que le collège des derviches a accepté à la place. Il dit cela comme une chose toute naturelle, sans gêne aucune, et prêt je pense à accepter quelque nouveau troc de ce genre — si seulement restait encore dans ce lieu vénérable quoi que ce soit qui valut d'être convoité.

De Koniah à Onchak.

A la station de S on entasse dans les wagons de

troisième de notre train quantité de recrues, insoumis ou déserteurs. Des mères sanglotent sur le quai. Eux affectent une grande insouciance, et le wagon s'emplit de rires et de chants joyeux. Ils ont gardé pour la plupart leur costume de la campagne, divers, mais de couleurs chaudes et vives et faisant à travers le bariolage, d'un bout à l'autre du wagon, une plaisante et riche harmonie.

A la station qui précède Ak-Cheir montent deux russes, moujiks dont la mise, le visage, dont tout l'aspect surprend étrangement ici. Le bas de leur visage est noyé dans une barbe épaisse ; un chapeau de feutre mou est rabattu sur leurs yeux ; de grandes vareuses les couvrent, qui tombent sur leur culottes brunes, presque jusqu'à leurs bottes couvertes de boue. Ils sont beaucoup plus grands et plus forts que tous ces Turcs mais l'expression de leur

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