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194 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Nous rentrâmes ce premier soir fort déconfits de notre exploration nocturne. Le lendemain, levé dès avant cinq heures, je pris le premier train pour la ville.

Il faut bien finir par avouer que Koniah est de beau- coup ce que j'ai vu de plus hybride, de plus vulgaire et de plus laid, depuis que je suis en Turquie, comme il faut avouer enfin que le pays, le peuple tout entier dépasse en infirmité, en informité l'appréhension ou l'espérance. Fallait-il venir ici pour savoir combien tout ce que vis en Afrique était pur et particulier ? Ici tout est sali, gauchi, terni, adultéré. Certes Koniah se banalise un peu plus chaque année, surtout depuis que l'atteint le Baghdad Bahn ; surtout depuis qu'un décret de police vient d'ordonner, pour des raisons de salubrité, la démolition de toutes les maisons à toit plat et leur reconstruction selon un modèle à toit de tuiles; mais il faudrait, je suppose, remonter, non pas de vingt ou de cinquante ans en arrière, mais bien de quelques siècles pour retrouver à Koniah quelque authen- tique et particulière saveur. Pour ajouter à sa disgrâce, (je devrais dire plutôt : à sa défaveur dans mon esprit) Koniah par sa position par rapport à la montagne voisine et à la plaine, rappelle irrésistiblement Biskra. Mais combien ces montagnes sont moins belles, et de couleur et de formes, que les monts de l'Hamar Khadou; combien moins belle que le désert, cette plaine; moins beaux ces arbres que les pal- miers, et que les Arabes ces Turcs.

Dans tout le vaste pays parcouru, à peine avons-nous rencontré de-ci, de-là, quelque costume ou quelque figure sur qui le regard eût plaisir à poser, de quelque Tzigane, ou Kurde, ou Albanais amené jusqu'ici on ne sait par quelle aventure. Pour les autres, tant Turcs que Juifs, tant

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