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LA MARCHE TURQUE 189

brasement du ciel. Comme nous allions franchir la porte d'Hadrien, la lune a commencé de paraître par dessus l'épaule du mont, la pleine lune, énorme, subite et surprenante comme un dieu. Et depuis ma première arrivée à Touggourt, je ne crois pas avoir goûté d'émotion plus étrange que cette entrée de nuit dans le petit village d'Isnic, honteux, moisi, décomposé de misère et de fièvre, blotti dans ses décombres solennels et dans son trop énorme passé. ,

Après un bref repas fait des provisions que nous avions emportées de Brousse, nous sommes ressortis dans la nuit. Le clair de lune était doux et splendide. Fondrières au sortir de l'auberge ; le sol semble pourri. Devant la porte un enfant immobile, appuyé contre le mur ; son visage est rongé d'un chancre. Nous nous aventurons au hasard. A l'extrémité d'une rue défoncée l'espace s'ouvre ; devant nous de larges fleurs pâles, dont on n'aperçoit pas la tige, de-ci de-là faiblement se balancent et semblent flotter : c'est un champ de pavots. Non loin une chouette pleure sur la ruine d'une mosquée ; l'oiseau s'envole à notre approche... Nous retournons vers le mystérieux village assoupi ; pas un feu ; pas un bruit ; tout semble mort.

��10 mai.

En voiture jusqu'à Mekedje ; puis en wagon jusqu'à Eski Cheir. Plaine immense et sans agréments, où règne en toute sûreté la lumière. Parfois un grand troupeau de ces buffles noirs que déjà nous admirions à Constanti-

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