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NOTES 159

la musique adresse ordinairement à notre sensibilité, mais tort de s'appliquer à rebuter celle-ci par tous les moyens. En effet il y a une émotion qu'un artiste, même s'il ne veut pas éveiller les grandes passions humaines ^ui sommeillent dans notre cœur, ne peut renoncer à inspirer, sous peine de se nier pour ainsi dire lui-même. Toute création positive déclenche dans notre âme une certaine émotion immédiate, aveugle, presque automatique. C'est un choc tout pur, sans aucun rapport de qualité avec le contenu de l'œuvre ; c'est de l'admiration, au sens étymologique du mot ; c'est le sentiment brusque et neuf qui nous saisit lorsque nous nous trouvons en face de quoi que ce soit de tiré du néant ; c'est une part de l'émerveillement que dut éprouver le premier homme lorsqu'il contempla pour la première fois l'œuvre du Créateur. Il y entre de l'étonnement, de la reconnaissance et de la joie. Cette émotion-là, plus que personne aujourd'hui Stravinsky est désigné pour nous la faire éprouver ; il n'a pas le droit de nous en frustrer. — Mais je sais qu'il ne nous en frustrera pas. Et si le Rossignol ne m'a pas donné tout le con- tentement que j'en attendais, du moins il n'a pas diminué ma confiance : c'est tout de même de Stravinsky que, dans l'état actuel de la musique, nous pouvons espérer avec le plus de raison les plus belles surprises.

��Au point de vue proprement chorégraphique, la Saison Russe n'a présenté, cette année, qu'un intérêt très médiocre. L'absence de Nijinski s'est révélée plus grave encore que je ne m'y attendais : elle a creusé un vide énorme. Il faut le dire hautement : Le ballet russe, c'était Nijinski ; lui seul animait toute la troupe ; il en était l'inspirateur, au sens propre, même lorsqu'il se bornait au rôle d'interprète : maintenant qu'il se retire, tout se dégonfle ; la Karsavina, sans lui, n'est qu'une danseuse agréable ; elle ne retrouve pas, seule, cet esprit, cet

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