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140 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Au premiers froids

On casse comme la pierre gélive !

Et quand on n^est pas fait pour vivre.

On ne vit pas !

Simplement.

Ceux qui l'ont entendu n'oublieront jamais l'accent de Dullin prononçant ces mots, ni la carrure épique que prenait son personnage dans ces moments puissants.

\JEau de Vie est en quelque sorte une tentative de drame choral. Si Ton en excepte l'infirme Lucas contre qui se déchaîne la catastrophe, la robuste famille du vieux Fossard ne forme qu'un bloc. Les individus n'y sont qu'à peine différenciés. Ce qui compte c'est cette forte vie collective, cette rude promis- cuité autour d'une seule femme. Il n'y avait pas place pour des récits ou des explications ; ce qu'il s'agissait de rendre, c'est le bourdonnement de cette ruche sauvage et rien ne s'y prêtait comme ces haletantes répliques dont on n'aurait su distinguer, le plus souvent, de quelles bouches elles étaient parties. L'effet s'est trouvé si violent qu'il a, plus d'une fois, dépassé ce que l'auteur voulait nous infliger d'angoisse, et que tous nos nerfs se crispaient blessés par une trépidation intolérable. C'était dépasser la mesure de ce que le public peut supporter d'horreur et d'énervement.

Quel curieux déplacement la réalisation scénique fait subir au centre de gravité d'une pièce ! Il y a du vrai dans ce que rabâchent les pères Sarcey de l'indispensable habitude des planches. Certains éléments, discrets et subordonnés dans le livre, font les importants sur la scène et tirent à eux toute l'attention. Il en est ainsi de tout facteur réaliste. Nous avons vu le Testament du Père Leleuy avec son vieillard qui mourait sur la scène, prendre des airs de drame beaucoup plus noir que l'auteur ne l'avait pensé, et de même, dans VEau de Vie, le dosage du réel et du lyrisme s'est trouvé faussé aux dépens de

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