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RÉFLEXIONS SUR LA LITTERATURE I27

La Fontaine un genre qui est devenu son modique, mais délicat et parfait domaine. Et cependant, si l'art reste le même, cette troisième gerbe n'est pas faite du même blé que les deux autres. Sarcey avait prédit à M. Lemaître qu'il serait un jour " la vieille bête " : entendons cela en tout bien tout honneur. Comme ce pauvre diable qui était si malheureux qu'il en devint Polonais, M. Lemaître doit convenir qu'il a réalisé la prédiction de Sarcey, au point qu'il en est devenu royaliste, la dernière chose évidemment que Sarcey eût prévue. Je ne sais pas si, après ce petit conte de Touriri, Renan lui a écrit : " Quand vous aurez mon âge, vous ferez votre Abbesse de Jouarre, à côté de laquelle la mienne ne paraîtra plus qu'une très petite sœur converse. " En tout cas la Vieillesse d^Hélèney vieillesse de l'Hélène intime et spirituelle qui fut l'âme de M. Lemaître, c'est, comme lui-même nous l'indique imperceptiblement du doigt par ce retour de Touriri, son Abbesse de Jouarre.

Il est d'ailleurs très curieux et très élégant de voir chacune des trois séries de Marges, pour la fantaisie apparente, dessiner une figure qui n'appartient qu'à elle, et qui marque, dans la sagesse du conteur trois nonchalants étages. Au vrai, la pre- mière série seule rend le son clair de la vraie sagesse, et chacun presque de ses contes est composé, comme une eau très pure, transparente et souriante, de ces deux éléments fluides, la clairvoyance et l'indulgence. Il y a beaucoup de mal dans le monde, les belles chimères ne font qu'ajouter à ce mal ou du moins n'en diminuent rien, et, pour alléger un peu son poids, pour obtenir un peu de bien, vaut seulement une sagesse usuelle, faite de bon sens et de mesure, humble de cœur et industrieuse des mains. C'est la leçon de Thersite, du Premier Mouvement^ de VÈcole des Rois, de la Seconde Vie des Sept Dormants, de presque tous les autres contes aussi. Dans V Innocente diplomatie d^Hélène, la Tyndaride, qui n'est pas encore la vieille Hélène, s'assortit à ce chœur par les plus françaises des fines et bonnes manières. Et tout le recueil se placerait sous l'invocation de Sainte Marthe :

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