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ICK) LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'un départ qui ne s'effectuera pas, et dont la pensée, qui ne sait plus où elle devra se situer le lendemain, s'agite momentanément, désincarnée, détachée d'eux, pareille au coeur qu'on enlève à un malade et qui continue à battre. En tout cas c'est sans doute l'espérance d'une prochaine réconciliation qui lui donnait le courage de persévérer dans la rupture, comme la croyance qu'on pourra revenir vivant du combat aide à affronter la mort. Et comme l'habitude est de toutes les plantes humaines celle qui a le moins besoin de sol nourricier pour vivre et qui appa- raît la première sur le roc en apparence le plus désolé, il aurait peut-être en pratiquant d'abord la rupture par feinte fini par s'y accoutumer sincèrement. Tous les matins il venait chez moi l'œil distrait et fixe et ces jours où il souffrit tant, l'un après l'autre, dessinèrent dans mon esprit comme la courbe magnifique et dure de quelque rampe en fer forgé d'où Robert restait à sonder ce mystère qui l'avait toujours préoccupé, ce que pensait réellement sa maîtresse, ce qu'elle était, mais qui était maintenant devenu autrement urgent et douloureux puisque ce qu'il fallait déchiffrer ce n'était plus seulement ce qu'elle pensait, mais ce qu'elle voulait, ce qu'elle avait résolu, puisque ce qu'elle était au fond, et particulièrement ce qu'elle était par rapport à lui, — son amie pour toujours ou son esclave haineuse, — n'était plus seulement une essence intime sur laquelle on pouvait disserter, mais allait devenir une réalité effective traduite en actes.

Enfin il reçut cette lettre de réconciliation qu'il avait bien, je pense, imaginée plusieurs milliers de fois, mais c'était la première que la lettre n'était pas suivie du doute si elle viendrait jamais ; doute si anxieux qu'il avait tou-

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