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Cette chambre de ma grand’mère était meublée autrement que la mienne, avec des fauteuils brodés de filigranes métalliques et de fleurs roses d’où semblait émaner l’agréable et fraîche odeur qu’on trouvait en entrant. Et à cette heure où des rayons venus d’expositions et comme d’heures différentes brisaient les angles du mur, changeaient la forme de la chambre, à côté d’un reflet de la plage mettaient sur la commode un reposoir diapré comme les fleurs du sentier, suspendaient à la paroi les ailes repliées, tremblantes et tiédes d’une clarté prête à reprendre son vol, chauffaient comme un bain un carré de tapis provincial devant la fenêtre de la courette que le soleil festonnait comme une vigne, ajoutaient encore au charme et à la complexité de la décoration mobilière en semblant exfolier la soie fleurie des fauteuils et détacher leur passementerie, cette chambre que je traversais un moment avant de m’habiller pour la promenade, avait l’air d’un prisme où se décomposaient les couleurs de la lumière du dehors, d’une ruche où les sucs de la journée que j’allais goûter étaient dissociés, épars, enivrants et visibles, d’un jardin de l’espérance qui se dissolvait en une palpitation de rayons d’argent et de pétales de rose. Je rentrais dans ma chambre : Françoise entrait pour me donner du jour et je me soulevais dans l’impatience de savoir quelle était la Mer qui jouait ce matin-là au bord du rivage comme une néréide. Car chacune de ces Mers ne restait jamais plus d’un jour. Le lendemain j’en voyais une autre qui parfois lui ressemblait. Mais je ne vis jamais deux fois la même. Il y en avait qui étaient d’une beauté si rare qu’en les apercevant mon plaisir était encore accru par a surprise, comme devant un miracle. Par quel privilège, un matin