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NOTES 887

Il s'agit donc d'un acte de pensée. L'intuition, telle que la comprend M. Bergson, est, non du sentiment, mais de la pensée, quoique ce ne soit pas de l'intelligence. L'épithète de " pathétique " ne se justifie pas : au contraire, toute la doctrine est un efFort pour donner à la philosophie plus de précision, pour la rapprocher de l'expérience soit extérieure, soit interne.

M. Benda prête à l'auteur de ^Evolution Créatrice des intentions gratuitement faussées, en lui supposant " la haine de l'intelligence ". Aucun lecteur n'apercevra cette haine imagi- naire projetant son ombre sur les éclatants développements des thèses bergsoniennes. Est-ce déclarer la guerre à l'intelligence que d'afRrmer que celle-ci a son domaine propre, qu'à côté d'elle, la volonté peut être la source d'une philosophie ? La volonté qui connaît directement, immédiatement, nous ofFre une façon de connaître plus profonde : la volonté, s'insérant dans l'intel- ligence, ne pourrait-elle satisfaire la pensée mieux que la seule intelligence livrée à elle-même ne la satisfait ? La volonté appa- raît " quelque chose de plus essentiel que l'intelligence, parce qu'avec de la volonté, on peut faire de l'intelligence, tandis qu'avec de l'intelligence on ne peut pas faire de la volonté. " L'action et l'expérience sont souvent, pour les hommes, maîtres plus subtils de culture et d'originalité que l'apprentissage de l'école.

Il y a une certaine hardiesse à présenter le bergsonisme comme la philosophie de l'abandon " au pur devenir ", une philosophie de mollesse et d'extase sensuelles, alors qu'à travers tous les livres de M. Bergson retentit un énergique et pressant appel à la volonté et au caractère. Dès les premières pages de VEvolution Créatrice se rencontrent des formules significatives : " Nous sommes les artisans de notre vie, chacun de ses moments est

une espèce de création La durée réelle est celle qui mord sur

les choses et y laisse l'empreinte de sa dent. " Cette création de soi par soi n'est pas le mol abandon d'une vie qui à va

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